jeudi 26 avril 2018

Aux origines de la construction européenne : Jean Monnet, mondialisme et sociétés discrètes

Ce que nous appelons « construction européenne » n’a jamais eu l’Europe géographique comme départ ni comme finalité. Il s’agissait déjà à la fin du dix-neuvième siècle – à une époque où la France et le Royaume-Uni dominaient presque le monde entier grâce à leurs immenses empires respectifs – d’unifier politiquement et économiquement la planète. A l’origine, il y a John Ruskin (1819-1900), fils de bonne famille britannique, artiste et voyageur qui finira professeur d’art à Oxford et qui inspirera George Bernard Shaw (1856-1950) et Cecil Rhodes (1853-1902). Rhodes, fondateur de la Rhodésie, magnat du diamant et Premier Ministre de la colonie sud-africaine du Cap (1890-1896), créateur des bourses Rhodes destinées aux futurs étudiants méritants d’Oxford, était un impérialiste fanatique ; Shaw, un écrivain bohème devenu socialiste sous l’influence de Karl Marx. Autour de Cecil Rhodes va se constituer un noyau dur d’impérialistes britanniques regroupant notamment le journaliste William Thomas Stead (1849-1912), l’historien Reginald Brett (1852-1930, futur Lord Esher), le futur Premier Ministre du Royaume-Uni (1902-1905) Lord Arthur James Balfour (1848-1930), l’administrateur colonial Harry Johnston (1858-1927), Lord Albert Grey (1851-1917), gouverneur général du Canada (1904-1911) et Lord Nathan Mayer Rothschild (1840-1915), banquier international.



En 1884 est fondée la Société fabienne – qui existe encore aujourd’hui – carrefour à la fois de l’impérialisme britannique, du socialisme réformateur et du mondialisme (prônant un gouvernement mondial). Son principal créateur, le spiritualiste socialiste Frank Podmore (1856-1910), et les autres membres fondateurs, se verront très rapidement relégués au second-plan par des nouveaux arrivants qui vont s’approprier la Société fabienne : Bernard Shaw, l’économiste Sidney Webb (1859-1947, futur Lord Passfield et secrétaire d’Etat de 1929 à 1931), sa future épouse l’intellectuelle Beatrice Potter (1858-1943) et le professeur de science politique Graham Wallas (1858-1932). D’autres personnalités célèbres rejoindront bientôt la Société fabienne : l’écrivain Herbert George Wells (1866-1946), la militante socialiste Annie Besant (1847-1933), qui à partir de 1907 reprendra la direction de la Société théosophique (qu’elle a connue par l’intermédiaire de William Stead, rédacteur-en-chef de la Pall Mall Gazette dans laquelle elle écrivait) de l’occultiste Helena Blavatsky. Podmore eut l’idée du nom de cette organisation en référence au consul et dictateur romain Fabius Cunctator (dit « Le temporisateur ») qui utilisa victorieusement la guerre d’usure contre le général carthaginois Hannibal : la Société fabienne prône une méthode progressive et institutionnelle de changement politique, un travail à long terme d’infiltration et de pénétration du Système, plutôt que la révolution brutale. C’est pourquoi le blason de l’organisation représentera un loup portant une peau d’agneau. La Société fabienne cherchera à fusionner le capitalisme avec le planisme et le technocratisme socialistes (soit le pire de la droite avec le pire de la gauche) pour aboutir à un gouvernement mondial centralisé paternaliste et communiste. Cette doctrine deviendra le travaillisme au Royaume-Uni. Pour former les futures élites mondiales, notamment dans le domaine universitaire et journalistique, Graham Wallas, Bernard Shaw et les époux Webb, profitant de l’élection de Sidney Webb au London County Council en charge des questions d’éducation depuis 1891, vont créer en 1895 la London School of Economics (LSE), université spécialisée en politique et en économie qui aujourd’hui encore sert de principal relai aux idées mondialistes. Le premier directeur de la LSE sera William Hewins (1865-1931), qui travaillera ensuite pour le parlementaire et futur secrétaire d’Etat (1910-1914) Joseph Chamberlain (1836-1914). Le All Souls College d’Oxford sera également un établissement dédié aux vues mondialistes.

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